Difficile d'être exhaustif car l'histoire est longue, en revanche quelques personnages, époques et dates ont marqué l'évolution de la Médecine Chinoise.
Qui sont ces personnages ? Qu'ont-ils apporté ?
Je vais apporter quelques éléments de réponses permettant de mieux comprendre les techniques connues aujourd'hui jusqu'en occident.
La thèse faisant remonter l'origine de la médecine chinoise au IIIe millénaire av. J.C. ne résiste à aucune analyse sérieuse. Trois empereurs légendaires sont mentionnés dans la littérature de l'époque des Royaumes combattants et des Han de l'Ouest, conférant à certains traités un caractère sacré de transmission issue d'un savoir ancestral. Le premier, Fuxi, serait notamment l'inventeur des bagua (huit trigrammes), inspirateur du Yijing (Classique des mutations), Shennong qui aurait enseigné à l'humanité les règles de l'agriculture et de la phytothérapie avec une description de 365 substances médicinales, et enfin, Huangdi, l'Empereur jaune, qui aurait communiqué les fondements de la médecine chinoise et de l'acupuncture, dont des apports sur les théories des Méridiens et des Points.
Le VIe siècle av. J.C. est marqué par l'un des grands noms de la médecine chinoise, Bian Que, expert en de nombreux aspects du diagnostic et du traitement.
Dynastie des Han (206 av. J.C. - an 220 de notre ère)
Cette époque est marquée par le développement de la médecine et de la pharmacopée. C'est probablement au Ier siècle av. J.C. que le Shennong bencaojing (Herbier classique de Shennong) fut rédigé contenant la description de 365 substances classées en trois catégories : les remèdes de rang supérieur, fortifiants, sans toxicité, pouvant être consommés à long terme, les remèdes de rang intermédiaire, de faible toxicité, utilisés couramment à des fins thérapeutiques, les remèdes de rang inférieur, de grande toxicité, employés pendant de courtes périodes, lorsqu'une action puissante est requise. Vers la fin des Han, autour de l'an 200 de notre ère, deux médecins vont apporter une contribution significative : Zhang Zhongjing (150-219) et Hua Tuo (154-208).
Le premier rédige une des oeuvres majeures de la médecine chinoise, “Le traité des attaques du Froid et de diverses maladies”, précurseur d'une méthode de diagnostic qui se développera jusqu'à occuper une place essentielle dans la pratique contemporaine de la médecine chinoise.
Le second est considéré comme le grand chirurgien de l'époque, développant l'anesthésie générale à base de chanvre indien. On lui attribue des opérations spectaculaires telles que la laparotomie, les greffes d'organes, les résections intestinales... Il est également acupuncteur, instigateur de méthodes d'hydrothérapie et inventeur d'une série d'exercices physiques destinés à l'entretien de la santé (jeu des cinq animaux).
Des Trois Royaumes (220-265) aux dynasties du Nord et du Sud (420-589)
La médecine se perfectionne, Huang Fume (214-282) rédige le Zhenjiu jiayi jing, le classique d'acupuncture et de moxibustion, contribuant au développement de l'acupuncture en apportant de nombreuses précisions sur le trajet des méridiens et la localisation des points dont il augmente le nombre par rapport à ceux existants.
Wang Shuhe (210-285) rédige le Maijing, Classique des pouls, premier traité de référence entièrement fondé sur le diagnostic par les pouls, dont les méthodes de palpation, l'interprétation et la classification. Son influence sera considérable dans toute la littérature chinoise consacrée au diagnostic.
L'influence taoïste est grandissante. Ge Hong (281-341) rédige un remarquable traité d'alchimie, de diététique et de magie, le Baopuzi, le maître qui embrasse la simplicité, ainsi qu'un Manuel de prescriptions d'urgence, Zhouhou beijifang. L'ouvrage est conçu comme un formulaire pratique composé de recettes simples, à base d'ingrédients faciles à obtenir, afin de répondre à des situations d'urgence. On lui doit des méthodes de prévention et de longévité, la diététique et la pharmacopée mais également le description de la variole, de la tuberculose, de la peste, de l'hépatite virale, de la lymphangite aiguë et des découvertes dans le domaine de la thérapeutique.
Tao Hongjing (452-536), autre maître taoïste, est considéré comme une sorte de génie aux compétences et talents étendus (mathématicien, astronome, alchimiste, calligraphe, médecin). Il réalise un important travail de collection et de classification par nature, saveur et toxicité des substances médicinales en rédigeant le Shennong bencaojing jizhu (compilation et commentaires sur la matière médicale de Shennong).
Dynasties Sui (589-618) et Tang (618-907)
Cette époque marque l'avènement d'une sorte d'âge d'or pour la Chine.
Autour de 610, un médecin impérial, Chao Yuanfang (550-630), dirige la rédaction du premier traité d'étiologie et de symptomatologie, le Zhubing yuanhou lun.
L'enseignement de la médecine chinoise devient officiel et, à partir de 624, les études sont sanctionnées par des examens d'Etat. Le premier codex pharmaceutique, Tang bencao (matière médicale des Tang), est rédigé par une vingtaine de médecins et d'érudits, s'inspirant surtout du Shennong bencaojing jizhu et le complétant.
Sun Simiao (581-682), le plus fameux médecin de cette époque, grand érudit, réputé pour sa sagesse, vivant en ermite toute une partie de sa vie, rédige en 652 le Beiji qianjin yaofang, Prescriptions essentielles d'urgence valant mille onces d'or, comprenant divers aspects de la médecine chinoise, de la médecine interne à la pédiatrie, de la diététique à l'acupuncture, reprenant de nombreuses prescriptions anciennes et en proposant de nouvelles.
Dynasties Song du Nord (960-1127), Jin (1115-1234), Song du Sud (1127-1279) et Yuan (1271-1367)
La Chine traverse une période de grande instabilité politique, connue sous le nom de “Cinq dynasties et dix royaumes”. C'est sous les Song, qu'on assiste à une période développement scientifique et culturel, au début d'une révolution industrielle avec l'usage de la xylographie, inventée à la fin des Tang, relayée vers le milieu du XIè siècle par la découverte de l'imprimerie à caractères mobiles qui favorisera la diffusion des écrits. De nombreux aspects du savoir ancien sont réexaminés et la plupart des textes classiques sont reconstitués, compilés et commentés afin d'être publiés. A cette époque, la localisation des méridiens et des points se standardise grâce à la publication de planches d'acupuncture que l'on doit à Wang Weiyi (987-1067). L'anatomie fait des progrès, en partie grâce au développement de la médecine légale, ainsi qu'à la pratique de dissections des cadavres de condamnés.
Cette période est marquée par l'influence de quatre médecins célèbres, appelés les Jinyuan sidajia (quatre grands maîtres des époques Jin et Yuan) :
- Liu Wansu (1120-1200) développa le principe de la théorie du Feu et de la Chaleur, reposant sur le fait que les agents pathogènes ont tous tendance à se transformer en feu, privilégiant l'emploi de remèdes de nature froide,
- Zhang Congzheng (1156-1228), considérant que l'attention doit être portée prioritairement sur le Qi (l'énergie) pathogène, il préconise la sudorification, la momification et la purgation,
- Li Dongyuan (1180-1252) concentre son approche de la pathologie sur l'origine interne des maladies, particulièrement sur l'affaiblissement de la Rate et de l'Estomac, à l'origine, selon lui, de nombreuses maladies incluant des manifestations de Chaleur dues au vide de Qi. Il fait partie de l'école de la tonification de la Terre dont le nom fait référence aux cinq mouvements et est en relation avec la Rate et l'Estomac dont les fonctions comprennent la réception de la nourriture, son assimilation et sa transformation en énergie.
- Zhu Dan (1281-1358) est le fondateur de l'Ecole d'entretien du Yin, son point de vue étant que le Yang est souvent en excès et le Yin en insuffisance, le principe directeur de son système thérapeutique sera l'enrichissement du Yin et le contrôle du Feu, lié à l'activité de Foie et des Reins. Il préconise un ajustement du mode de vie impliquant notamment alimentation et sexualité.
Au XIIe siècle, Chen Wuze dans le Traité de pathologie consacré spécifiquement aux trois étiologies, distingue les causes externes, associées à la pénétration d'un agent pathogène d'origine climatique, les causes internes, liées aux émotions et, enfin, toutes les autres causes (traumatismes, surmenage, parasites, etc...) qui ne sont ni externes ni internes. Cette classification est encore en usage aujourd'hui.
Dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911)
A partir du XVIe siècle, les théories visant à combattre la Chaleur ou à renforcer principalement le Yin furent critiquées et combattues par les adeptes de l'Ecole du réchauffement et de la tonification, proposant une nouvelle conception s'inscrivant partiellement dans le prolongement de la méthode de tonification du Qi de la Rate promue par Li Dongyuan. Zhao Xianke (env. 1573-1644) développe la théorie du Mingmen, littéralement “porte de la vie” ou “porte de la destinée”, désignant un organe sans forme, localisé entre les deux Reins, dont l'activité fonctionnelle est, selon lui, prépondérante sur celle du coeur, par le fait qu'il contrôle directement le Feu et indirectement l'Eau (c'est-à-dire le Yang originel et le Yin véritable) du corps.
La pharmacopée atteint, sous les Ming, un haut degré de développement. Le plus célèbre auteur des Ming, en matière de pharmacopée, est probablement Li Shizhen (1518-1593) qui consacre 30 ans de sa vie à rédiger le traité de matière médicale le plus exhaustif de la littérature classique, le Bencao gangmu, riche de nombreuses informations sur la botanique, la pharmacopée, la zoologie, la minéralogie et l'ethnomédecine, et sert encore de référence.
A la fin des Ming, durant la dynastie des Qing, se développe l'Ecole des maladies de la Chaleur, marquant un tournant dans l'étude de l'étiopathogénie des maladies fébriles et de l'épidémiologie en Chine. Cette théorie prend son origine dans la distinction entre une attaque due au Froid et une maladie de la Chaleur. A la différence du Froid qui pénètre et se transforme en suivant un mode de pénétration à travers les Six Méridiens, la Chaleur évolue à travers les Quatre Couches et l'Humidité Chaleur à travers les Trois Foyers
Wang Qingren (1768-1831), médecin chinois, rectifie certaines opinions sur les structures et les fonctions du corps humain, et s'impose comme un réformateur tout en restant attaché aux principes fondateurs de la médecine chinoise. Il rédige le Yilin gaicuo (Correction des Erreurs de Travaux Médicaux) dans lequel il expose ses ajustements essentiellement sur l'anatomie et la physiologie, tout en contribuant à la théorie des amas de sang comme facteurs pathogènes.
La médecine chinoise contemporaine
Au XXe siècle, la volonté d'étudier conjointement les systèmes médicaux chinois et occidentaux conduira à l'institutionnalisation d'une nouvelle spécialité universitaire, ayant pour vocation un rapprochement entre les deux systèmes médicaux.
Une véritable coopération entre les deux médecines serait idéale car de nombreuses études démontrent que, face à un grand nombre de pathologies, les meilleurs résultats sont obtenus en associant les deux systèmes.
*Propos tirés du “Précis de médecine chinoise” du Professeur Eric Marié
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